mercredi 17 mars 2010

L'origine de la Domotique et sa fonction

     On associe souvent le début des travaux domotiques aux années 1970, voire 1980, avec les problématiques énergétiques dues aux crises pétrolières qui ont considérablement affecté le domaine de la construction et de l'exploitation du bâtiment. En effet, avant ces crises, le coût de l'énergie était négligeable face au coût des matériaux et des travaux d'isolation thermique. On privilégiait alors des techniques de construction simples, peu onéreuses, au détriment de la qualité de l'enveloppe thermique, comme l'emploi de structures bétons fabriquées sur place, avec des ponts thermiques marqués, et des vitrages fins sur des menuiseries peu isolantes. Les bâtiments construits dans ce cadre sont aujourd'hui qualifiés d'énergivores.

    Lorsque le prix de l'énergie augmenta de manière importante, on privilégiait alors une isolation plus contrainte des bâtiments neufs. Cependant, la gestion du parc existant était problématique, car coûteuse. C'est ainsi qu'apparurent les premières solutions de régulation automatique, ou plus communément appelées Gestion Technique du Bâtiment (GTB). Ces solutions reposent sur des moyens de communications entre automates (chaudières, ventilation, etc.) et capteurs, et permettent d'optimiser l'empreinte énergétique du bâtiment en fonction des besoins: présence des occupants, apports naturels, température extérieure, etc.

    Ces solutions, bien qu'onéreuses, furent petit à petit déclinées et proposées à l'habitat au milieu des années 1990. Les fonctions étaient alors identiques à celles proposées pour les bâtiments de grande taille: gestion du chauffage, de la ventilation et de la climatisation (CVC), de l'éclairage, des ouvrants (volets roulants et stores). Elles proposaient alors aux habitants une promesse de confort fonctionnel, principalement par la centralisation des dispositifs de contrôle, comme la possibilité de fermer tous les volets d'une façade, ou de gérer le chauffage pièce par pièce.




    En parallèle, et en utilisant les mêmes bases technologiques, des solutions d'alarme à intrusion se sont commercialisées, développant un segment «sécurité ». Ces solutions interagissent parfois avec le système domotique, par exemple pour fermer les volets lorsque l'alarme est armée, ou simuler des présences par l'actionnement de lumières lorsque l'habitant est absent.
Depuis le milieu des années 1990, un autre segment, orienté sur la micro-informatique et les loisirs numériques, se développe. Cette nouvelle apparition marque en particulier l'introduction de l'informatique dans l'habitat et l'apparition des supports numériques: les cédéroms, puis les DVD et internet.

    Ainsi, aujourd'hui, gestion de l'habitat, sécurité, réseaux de communication et loisirs numériques esquissent le paradigme de domotique (Jeuland, 2005). Nous esquisserons les contours et spécificités de ce paradigme, caractérisés par un nombre de définitions importantes ayant évolué au cours du temps.


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    Le concept de domotique, tel que décrit par son approche technique, fut marqué par des échecs commerciaux, et le marché n'a jamais pu atteindre les objectifs espérés malgré des programmes de recherche et développement dès le début des années 1990). Cet échec était en fort contraste avec l'intégration des nouvelles technologies dans d'autres domaines comme l'automobile où les vitres électriques, la fermeture centralisée des portes ainsi que les systèmes d'aide à la conduite sont devenus de plus en plus courants, «desérie» ou obligatoires comme l'AB“ depuis 2003.
Pour expliquer cet échec, on pointe souvent l'approche trop technique. Ainsi, Damien Hasbroucq, de l'association PROMOTELEC, explique: «Quand le concept a émergé, dans les années 1980 et 1990, on a focalisé sur le côté gadget, style le grille-pain qui prépare tout seul vos tartines le matin [..] Cette approche peut être source d'angoisse: ma maison fonctionne comme un robot, je ne maîtrise plus rien...». Hasbroucq n'est pas le seul à établir ce constat, et les acteurs du domaine ont petit à petit modifié leur vocabulaire afin d'effacer l'idée de technique.

    La domotique est imaginaire, voire utopique selon Brun et Descamps, est celle construite autour de scénarios, cependant irréalisables technologiquement. Ces scénarios furent souvent utilisés pour illustrer le domaine. On en retrouve dans la littérature académique, artistique et la presse grand public.

    Les progrès dans le domaine de la Gestion Technique du Bâtiment (GTB) ont permis le développement de technologies spécifiques, adaptées au bâtiment et aux contraintes qui lui sont propres. Ces technologies se caractérisent par un apport de dynamisme dans les bâtiments, permettant ainsi aux structures statiques, comme l'électricité et les réseaux de chauffage, de devenir dynamiques (possibilité de reconfigurer un interrupteur, un thermostat pour redéfinir des zones). Les produits deviennent communicants: un interrupteur ne commute plus un circuit électrique, mais délègue cette fonction à un actionneur, actionneur avec lequel il est configuré pour communiquer. La configuration peut être modifiée au cas où les lieux s'y prêteraient, comme une redistribution de plateau de bureaux.

    Certaines de ces technologies, jusqu'alors considérées dans le cadre d'un bâtiment à usage majoritairement tertiaire, furent transposées dans le domaine du bâtiment résidentiel. Parmi les réalisations, des maisons privées et des structures expérimentales ont vu le jour. On peut citer, par exemple, les maisons «Lyon Panorama», localisée à Caluire (Rhône), FAUST à Castelnaudary (Aude), DELTA à Bonneville (Haute-Savoie), ainsi que l'initiative
« M.Durand-Dupont, fatigué, décide de prendre un bain. Pendant qu'il regarde l'un des 30 programmes de TV., il fait couler l'eau de son bain à laquelle s'ajoute automatiquement un produit moussant parfumé et en règle la température à distance, le remplissage de la baignoire s'arrêtant spontanément. Pendant ce temps, sa femme préparant le repas dans la cuisine, c'est-à-dire faisant réchauffer au micro-onde un plat congelé ou sous vide, ne cesse cependant de surveiller sur un écran de télévision intérieur le dernier-né qui joue dans sa chambre. Elle effectue directement ses achats au supermarché voisin par l'intermédiaire du Minitel. Ils lui seront livrés dans un espace tampon, d'accès réservé, commandé par une carte à puce, sans pénétration dans les parties privatives »

      «MaisonA/StudioB » à Paris. Ces maisons se voulaient innovatrices, esquissant ce que pourrait être l'habitat du futur. Parallèlement sont apparues des structures expérimentales, pilotées par des académiques et des industriels, comme HD2000 à Rennes et le SED à Saint-Rémy-Lès-Chevreuse, dont la vocation portait sur l'étude de la domotique par ses usages et par ses technologies.

     Ces structures n'avaient pas pour but de réaliser les scénarios imaginaires tels que nous les avons présentés ci-dessus, mais de faire « au mieux» avec les technologies existantes, ou les prototypes disponibles. Approchant l'équivalent GTB (gestion thermique par zones, éclairages groupés, commandes centralisées, etc.), elles représentent la domotique « réelle», celle que la technologie permet d'intégrer. L'ensemble de ces réalisations, le niveau d'intelligence décrit dans la domotique imaginaire était rarement atteint, sauf au prix de prototypage des technologies manquantes.

     Au début de la domotique, la technologie ne permettait pas de réaliser les scénarios (que nous qualifions d'imaginaires), mais les progrès, caractérisés par «l'innovation», permirent de développer la base du « réel», le paradigme d'intelligence ambiante.







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